mercredi 11 novembre 2009

Pas de retour - Chapitre III

Mathilde regardait Arthur finir sa série de coups de pied direct arrière. Le sac de sable, bien que lourd, oscillait au rythme des impacts puissants. Secrètement, elle aimait Arthur. Elle aimait son sourire permanent, ses yeux d’un bleu azur, ses cheveux blonds coupés court. Elle rougit en pensant à ses rêves érotiques au cours desquels Arthur, torse nu, musclé et naturellement bronzé, l’enlaçait. Elle qui, à 15 ans, n’avait encore jamais connu l’amour…

- OK, Arthur ! Tu peux arrêter là.Très bien ! Bravo !
Patrick Brun était visiblement satisfait de la prestation de son protégé.
- Tu sais que si tu as le bon timing en utilisant ce coup de pied direct arrière, ton adversaire sera par terre en 2 secondes. Avec ta puissance et ta rapidité, ça ne fait pas un pli ! Allez ! c’est fini pour ce soir… Tu peux aller prendre ta douche.
- Merci Co… Euh… Patrick…
Mathilde se mêla à l’échange.
- Patrick ! Et moi ? Pourquoi tu ne me fais pas travailler sur cette série, aussi ?
Arthur se retourna et prit son air espiègle.
- Mathilde, voyons ! Tu sais bien que pour utiliser cette technique en tournoi, il faut la maîtriser à 100% ! Ha ! Ha ! Ha !
Devant la moue qui se dessina sur le visage de Mathilde, Arthur continua :
- Je plaisante, Mat… C’est pour t’embêter un peu…
Mathilde lui tira la langue.
- Allons ! Ce n’est pas un peu fini, ces gamineries ? intervint Patrick en riant. Puis, il s’adressa à elle.
- Mathilde, tu sais bien que ton point fort, c’est la contre-attaque retardée en 45 degrés. Pour le tournoi, c’est là-dessus qu’il faudra compter. Donc, ton entraînement spécifique portera sur cette tactique. Tu comprends ?
- D’accord, Coach ! fit-elle, en sachant pertinemment qu’il avait horreur qu’on l’appelle ainsi. Et elle courut vers les vestiaires en s’esclaffant.
- Quelle petite peste ! cria Patrick en faisant semblant de vouloir la rattraper.

Arthur n’avait d’yeux que pour cette silhouette svelte et agile qui se déplaçait gracieusement ; cette chevelure abondante châtain qui encadrait une petite frimousse malicieuse, parsemée de taches de rousseurs et… cette petite langue toute rose qu’elle continuait a lui tirer, tout en continuant à détaler.

- Bon ! reprit Patrick à l’adresse d’Arthur. Alors, tu te prépares pour le voyage ?
- Oui, je suis vraiment impatient !
- Tu n’oublies pas l’école, hein ?
- Non, bien sûr que non ! Je me suis organisé avec mes profs. Ils m’ont donné une liste de devoirs pour les vacances. Je pense qu’avec une ou deux heures par jour, je devrais m’en sortir.
Patrick n’avait aucune inquiétude réelle à ce sujet. Il était en relation régulière avec les professeurs du Lycée et n’hésitait pas à parler à l’élève faisant partie de son club lorsque ses résultats scolaires étaient en baisse ou que son attitude générale laissait à désirer. En ce qui concernait Arthur, il n’entendait que des louanges de la part de ses professeurs, quelque soit la matière.
- C’est bien, Arthur. On part dans une semaine. Et on a encore pas mal de techniques à peaufiner. Je vais tout faire pour que Victor, Ali et Mathilde soient fin prêts. Toi, tu l’es… Donc, tu vas plus travailler le côté endurance, OK ?
- D’accord, Patrick… Dites, c’est comment, l’Asie ?
Patrick repensa à son voyage en Corée du Sud.
- L’Asie, c’est grand. C’est magique, aussi ; en tous cas, à mes yeux. Tu sais, je ne connais que la Corée mais j’ai entendu dire que Singapour est le pays le plus occidental d’Asie. Il a malgré tout su conserver un caractère particulier, grâce à la diversité des cultures le peuplant : chinoise, malaise ou indienne. Et, d’après ce qu’on m’a dit, toutes les races vivent harmonieusement ; en incluant les expatriés – européens, américains et australiens pour la plupart – qui sont bien intégrés.
- Ca doit être vraiment super ! Et le tournoi ? Vous savez qui va participer ?
- Le tournoi international de Singapour a lieu tous les 2 ans. Le niveau est très relevé. Plus de 25 pays vont être représentés. Beaucoup d’asiatiques, bien entendu ; et les Etats-Unis y participent pour la première fois, comme la France. L’Australie aura la plus grosse délégation, avec 15 athlètes de tous âges. Ce sont eux qui ont récolté le plus de médailles d’or lors de la dernière édition. La fédération m’a d’ailleurs averti que l’australien qui concourra dans la catégorie open - la tienne - représentera son pays aux prochains jeux olympiques.
- Wooww ! Ca va pas être simple pour moi !
- Ne t’inquiète pas, Arthur. Je pense que tu as le niveau pour les jeux, aussi.
- Mais je n’ai que 15 ans !
- C’est pour cela que tu combats en catégorie open. Tu vas te mesurer à des athlètes de 19 / 20 ans.
Patrick marqua une pause. Il observa la réaction d’Arthur. Sans surprise, ce dernier ne manifesta aucune émotion particulière : ni peur, ni même crainte.
- Bon. Il est temps que je te dévoile un secret… reprit l’entraîneur. Les gens de la fédération m’ont confié que si tu atteignais au moins les demi finales, tu seras inclus dans l’équipe de France des JO.
Arthur écarquilla les yeux de surprise.
- Pour une nouvelle, c’en est une, Patrick !
Patrick rit de bon cœur.
- Tu comprends, maintenant, pourquoi je te fais travailler aussi dur ?

***********

Apres une douche réparatrice, Arthur sortit du bâtiment, le sac à l’épaule et la tête à ses rêves olympiques. Il était tard, il faisait déjà nuit mais il ne se pressait pas pour autant. Soudain, il perçut un mouvement derrière lui. Il se retourna vivement. Mathilde fut stoppée net dans sa tentative de lui faire une surprise, un peu abasourdie par la vitesse de réaction d’Arthur.
- Mathilde ! s’étonna-t-il. Qu’essayes-tu de faire ?
- Bah, je voulais te faire peur… répondit-elle, un peu dépitée par son échec.
- Ha ! Ha ! Ha ! Eh ben, c’est raté !
- Je sais...
Il reprit son serieux :
- Tu veux que je te raccompagne chez toi ? Il est tard et tu pourrais faire une mauvaise rencontre.
- Tu penses que je ne peux pas me défendre ? le défia-t-elle.
- Tu plaisantes ? Je sais très bien de quoi tu es capable !
- Alors, pourquoi veux-tu m’accompagner ? rebondit-elle, l’air de rien.
Désespéré, Arthur fuya son regard. Il sut que le moment était venu de lui dire ce qu’il ressentait pour elle. Mais il n’avait jamais osé, auparavant. Il était assez courageux pour se défendre contre 3 voyous, simultanément, mais assez lâche pour ne pas pouvoir la regarder droit dans les yeux et lui dire, tout simplement : « Tu me plais vraiment. Je veux sortir avec toi »… « Quel imbécile je fais !» s’injuria-t-il intérieurement. Il décida de jouer l’esquive. Pour le moment.
- Allez, viens ! Ne fais pas ton bébé…
Alors qu’il la poussa gentiment, Mathilde ne put s’empêcher de se sentir déçue et en colère. « Quel idiot, alors ! Il ne comprend rien ! Ou bien, il ne m’aime pas ? Je vois bien toutes ces sottes qui lui courent après, au Lycée… Arthur par ci, Arthur par là… Gna gna gna… Peut être qu’il aime bien une de ces pétasses. Bon ! Il faut que j’en aie le cœur net… ».
Arthur marchait à côté d’elle, silencieux. Elle se tourna vers lui :
- Arthur… commença-t-elle, hésitante.
- Oui, répondit-il un peu trop vivement.
- Tu aimes bien les filles du Lycée ?
Arthur la regarda, l’air benêt.
- Euh… Bah oui… En général, quoi. Elles sont sympas…
- Et qui préfères-tu ?
Involontairement, il adopta un air encore plus ahuri, complètement pris au dépourvu par les questions de Mathilde.
- J’sais pas moi… Pourquoi tu me poses ce genre de questions ?
« Décidément, il le fait exprès ! C’est pas possible ! » se dit-elle. Elle s’arrêta, s’approcha de lui et l’enlaça.
- Arthur, tu ne vois pas que tu me plais ?
Sans un mot, il la prit par la taille, l’attira vers lui et l’embrassa tendrement. « Enfin ! » ne put-elle s’empêcher de penser, soulagée et heureuse… Ils restèrent l’un contre l’autre un long moment, profitant de cette fusion de deux sentiments qu’ils découvraient pour la première fois.

Puis, à contrecœur, ils se décidèrent à poursuivre leur retour à la maison. Mais cette fois-ci, ils marchaient main dans la main, les yeux pétillants de bonheur.
- Arthur, tu m’aimes depuis quand ? minauda Mathilde.
- Depuis la première fois que je t’ai vue au Dojang.
- Mais je n’avais que 9 ans !
- Et alors ? On peut aussi avoir des sentiments, à cet âge là, non ? rétorqua-t-il, en riant
- Qu’est ce que tu peux être bête, quand tu veux ! le taquina-t-elle.
Et ils rirent, avant de s’embrasser à nouveau.

Alors qu’ils s’approchaient de l’immeuble de Mathilde, Arthur s’arrêta :
- Mathilde, je dois te dire quelque chose de super !
- Quoi ? Que tu m’aimes ? fit-elle, pleine de malice.
- Non,..
- Comment ça, non ???? l’interrompit-elle, feignant la colère.
- Mathilde ! Ecoute-moi, c’est super important.
- J’adore t’asticoter, Arthur ! Tu démarres toujours au quart de tour ! Allez, dis-moi ce qui est super…
- Eh ben, voila… Avant de quitter le dojang, le coach m’a dit que je pourrais avoir une chance de faire partie de l’équipe de France pour les prochains JO.
Mathilde le regarda bouche bée. Puis se ressaisit :
- Tu veux me faire marcher a ton tour ou quoi ?
- Non, non ! C’est vrai…
- Ca alors ! Mais tu n’as que 15 ans !
- Et les prochains jeux ont lieu dans 3 ans…
- Tu as raison ! admit-elle.
Apres un temps de réflexion, elle sauta de joie.
- C’est génial, Arthur ! Vraiment super ! Je suis tellement contente pour toi !
- Attends, attends ! Ce n’est pas encore fait, hein !
- Je sais mais quand même ! Au fait, ça dépend de quoi ?
Il lui expliqua la teneur du marché. Elle s’enthousiasma :
- Tu devrais y arriver sans problème !
- Je ne sais pas. Je ne connais pas mes adversaires et il paraît que le niveau est plutôt costaud. Tiens ! Il y a même un australien qui est déjà intégré à l’équipe olympique…
- Mais tu n’as jamais perdu un tournoi, Arthur ! Ne sois pas modeste !
- Ca ne veut rien dire, tu sais… Enfin, on verra bien ! conclut-il dans un sourire pour lequel elle craquait à chaque fois.
- Oh ! Arthur ! Je suis tellement fière de toi !
Elle se jeta sur lui et l’embrassa fougueusement. A cet instant précis, Arthur se sentit invincible, fort de cet amour qu’il ressentait pour Mathilde ; porté par les émotions si démonstratives de Mathilde.